Lichens
Les photos de cette galerie n’ont pas pour but de donner une représentation exhaustive du monde des lichens en Bretagne. Pour cela il existe un excellent site que l’on consultera avec profit : lichens maritimes. L’objectif est bien plus modeste : il consiste au travers d’une sélection de photos à caractère documentaire à présenter l’étonnante beauté de ce groupe botanique et une toute petite part de son incroyable diversité. En bref, il s’agit d’une ode à la beauté méconnue des lichens, sans pour autant que celle-ci ait la moindre chance d’atteindre les magazines de mode…
Les lichens sont à la fois familiers et méconnus.
Ils sont partout. Sur les murs, les écorces des arbres, les branches, les toits, les rochers. Et pour peu que l’on y fasse attention, on les découvre aussi sur les chemins, les talus, quelquefois même les trottoirs. On peut même marcher dessus sans y prêter attention croyant avoir écrasé un chewing-gum. Ce que l’on voit en général, ce sont les thalles des lichens. Et dans bien des cas ils sont victimes d’un syndrome de propreté mal compris, quand les murs et les monuments, notamment religieux, sont passés au « karcher » pour faire plus propres. Ou quand les jardiniers s’obstinent à nettoyer les troncs et les branches des arbres en leur imputant une contribution aux maladies qui dans l’immense majorité des cas n’existe pas. Ils colonisent même de très nombreux substrats artificiels, pour peu qu’on leur accorde le temps de s’épanouir. On les trouve ainsi sur les surfaces en matière plastique et en composite (bateaux, caravanes, couvercles de poubelle, etc.), sur le béton, le métal, le bois travaillé et notamment les épaves de bateaux en bordure de mer. Et même le verre.
Et si l’espace d’un instant, on y prêtait un peu plus attention ?
Si l’on prenait un peu le temps de regarder les choses familières qui nous entourent avec curiosité et patience. Non pas que le sujet risque de se dérober à l’observateur et de fuir l’objectif, mais plus simplement parce que notre regard n’est pas toujours suffisamment affuté, ou préparé. Et que depuis la disparition à l’école des sciences naturelles, des « leçons de choses », il y a à peu près autant de chances que les enfants découvrent les lichens en classe que dans une émission naturaliste à une heure de grande écoute à la télévision.
Pour une découverte rapide centrée sur le Finistère on pourra s’inspirer de la balade photographie suivante.
Pour en savoir plus:
Notions de base sur les lichens.
Depuis 150 ans les lichens sont considérés comme l’exemple iconique de la symbiose, ou association mutualiste (à bénéfice réciproque) entre un champignon et un organisme photosynthétique, micro-algue ou cynanobactérie (appelé aussi le photobionte). Pour faire simple, le champignon offre l’abri et l’algue, équipée pour effectuer la photosynthèse, assure la fourniture d’énergie à partir du soleil, de la même manière que les plantes. Les lichens sont dénommés et classés d’après l’espèce de champignon qu’ils contiennent. Cette association originale leur a permis de coloniser tous les environnements terrestres depuis les pôles jusqu’à l’équateur, depuis le littoral jusqu’à la haute altitude en montagne. Les travaux les plus récents démontrent cependant que le dogme un champignon & une algue est bien souvent une simplification. Certains lichens comportent un champignon, un ou plusieurs photobiontes, ou peuvent même en changer, disposant ainsi d’une aptitude inégalée à s’acclimater aux variations des conditions climatiques. Et en 2016, il a été démontré que dans certains cas, les thalles de certains lichens peuvent contenir non pas un mais deux champignons et un ou plusieurs photobiontes, sans compter les bactéries associées. Un sérieux casse-tête en perspective pour les taxonomistes pour maintenir l’ordre ancien dans les classifications.
Ce que l’on voit généralement ce sont les thalles des lichens, et si l’on utilise une loupe, les organes reproducteurs dénommés apothécies ou périthèces selon les cas. Les thalles ont des morphologies diverses, classées en six groupes : en petits buissons ou fruticuleux, en forme de feuille ou foliacés, minces et adhérents aux substrats ou crustacés, constitués d’écailles ou squamuleux, mous et gélatineux à l’état humide et enfin, complexes ou composites avec un thalle primaire et un thalle secondaire.
Matériel et prise de vue.
La prise de vue fait appel aux techniques classiques de la macrophotographie. Pour les photos à caractère naturaliste destinées à alimenter les sites web dédiés, la principale qualité recherchée sera la netteté de l’ensemble des organes. Pour les tirages à caractère plus artistique, la recherche d’un bokeh permettant de mettre en évidence une zone d’intérêt nette constitue néanmoins une bonne approche.
Le matériel utilisé dépendra largement de l’usage ultérieur des photos. Un compact expert (ou un bridge), doté d’une position macro, permettra d’obtenir aisément une excellente profondeur de champ pour tous les types de thalles. Des boitiers avec de plus grands capteurs seront les bienvenus dès lors qu’une meilleure qualité d’image sera recherchée, notamment pour des tirages au-delà du format A3 et surtout A2.
L’utilisation de flash n’est généralement pas nécessaire dans la mesure où il est, dans la plupart des cas possible de travailler avec trépied et ainsi de compenser les limitations d’intensité lumineuse lumière par des temps d’exposition plus longs.
En matière d’équipement, un 100 mm ou un 150 mm f/2.8 macro et un réflex, APS/C ou plein format conviennent parfaitement. Les hybrides à capteurs 4/3 du type Olympus OMD-EM conviennent aussi et sont même plus appropriés que les réflex à la photo de thalles fruticuleux (en petit buisson).
Pour la photo des détails des thalles des lichens, organes reproducteurs sexués (apothécies, périthèces) ou asexués (soralies, isidies, etc…), le recours aux rapports de grandissement supérieurs à 1 est souvent nécessaire. L’usage de bonnettes, de bagues allonges permet d’y répondre pour un coût limité. L’objectif dédié macro de Canon (MP-E, 65 mm f/2.8) reste toutefois la meilleure solution, avec une qualité d’image inégalée à ces rapports de grandissement (1 à 5). L’objectif LAOWA 25 mm f/2.8 2,5-5x devrait permettre aux utilisateurs de marques autres que Canon de trouver un équipement analogue.
L’inconvénient majeur du format 24×36 est celui de la faible profondeur de champ aux rapports de grandissement voisins ou supérieurs à 1. Pour certains lichens, notamment ceux en petit buisson, dont la configuration spatiale rend illusoire d’obtenir des photos nettes en un seul cliché, il est possible d’avoir recours à la technique des piles (« focus stacking » en bon français !). Dans ce cas, l’usage d’un trépied et d’un rail micrométrique permet d’obtenir des séries de photos avec un décalage de mise au point régulier qui seront traitées sans trop d’artéfacts par les logiciels dédiés ( ZCombine ou Helicon Focus). La commercialisation d’appareils dotés de la fonction “bracketting de mise au point” simplifie la prise de vue en milieu naturel.
Dans les cas où l’échantillon de lichen et son substrat ont pu être prélevés, il est possible de piloter la prise de vue directement depuis un ordinateur, avec une variation du pas de mise au point parfaitement calibrée qui facilitera le travail d’assemblage ultérieur du logiciel de focus stacking.
Muni de ces quelques conseils, il ne faut pas oublier que la phase essentielle de la photo de lichens est celle de la découverte des différentes espèces dans la nature. Inutile de s’encombrer : en plus du matériel photo, une simple loupe de grossissement x3 à x5 suffit. Pour une approche de l’identification des lichens il faudra de plus se munir d’une série de réactifs chimiques qui induisent des réactions colorées spécifiques. Il existe quelques guides naturalistes de poche (voir en fin d’article) et quelques sites web dédiés, consultables sur mobile, qui peuvent aider le lecteur intéressé dans cette aventure.
Joël Querellou
Pour en savoir plus :
Guides naturalistes : Pascale Tiévant, Guide des lichens d’Europe, Ed. Delachaux et Niestlé ; Van Haluwin C. et coll., Guide des lichens de France, 2 vol. Arbres et Sols, Ed. Belin.
Sites web conseillés :
Association Française de Lichénologie (http://www.afl-lichenologie.fr/), et pour une approche plus ciblée sur les lichens marins et maritimes de la zone prospectée: http://www.lichensmaritimes.org/
N.B. De nombreuses photos de l’auteur de cet article peuvent être retrouvées sur site lichens maritimes ainsi que celles de ses collègues Alain Gérault, Bernard Bouffinier et Michel David.
Matériels utilisés :
Canon 5D MkII, objectifs Canon 100mm macro f/2.8, Canon MP-E 65 mm f/2 .8, Canon 100-400 mm II, Trépied Manfrotto 190, Rotule Manfrotto M9, Rail Manfrotto 454, « Quadrupied » maison, Olympus OM-D EM-5, objectif Olympus 12-50 mm –macro.
N.B. Les cellules photosynthétiques des plantes vertes et des algues comportent des chloroplastes qui sont l’équivalent biologique des capteurs des appareils photos numériques.