BORDES D'EPAVES, CIMETIERES DE BATEAUX
Les épaves réparties sur les côtes de Bretagne sont communément considérées comme des nuisances, à la fois pour des raisons esthétiques et pour des motifs de sécurité. Comme indiqué en préambule de la galerie consacrée aux épaves, elles ont tendance à être éliminées. Ce nettoyage est contrarié par la prolifération des coques en plastique dont le moins que l’on puisse dire est qu’elles ne contribuent pas à valoriser le littoral.
Pourtant, si l’on s’approche suffisamment des surfaces de bois, de métal ou de plastique, on découvre sur ces surfaces (les bordés) des mondes miniatures. Ces mondes sont le résultat à un instant donné des effets de corrosion sur les peintures, les bois et les métaux des coques et des effets de colonisation par des films bactériens, des mousses, des lichens et même quelquefois des champignons dont l’identification n’est pas toujours la priorité.
Certains de ces lichens ont été caractérisés et décrits (Voir le site Lichens maritimes). D’autres attendent leur caractérisation, mais il existe peu de lichenologues et ces derniers ont souvent d’autres priorités. Le résultat est que ces mondes miniatures sont le plus souvent ignorés et qu’ils disparaissent dans l’indifférence générale.
Le plus étonnant est que ces phénomènes se déroulent aussi sur les coques en métal (aluminium de préférence) et de plastique, sans pour autant améliorer l’esthétique des épaves correspondantes.
Les galeries qui suivent présentent un échantillon des paysages miniatures qui peuvent être observés sur ces bordés. Le nom du site est mentionné afin, au besoin, d’orienter les visites. Ces galeries ont d’abord un objectif documentaire, sachant que ces épaves et leurs bordés sont amenés à disparaître. Ces présentations débutent sur les sites du Morbihan, se poursuivent en remontant les côtes de Bretagne et se terminent à Quelmer en Ile et Vilaine.
Finistère.
Benodet
Douarnenez
Camaret
Rostellec/ Le Fret
Landévénec
Le Conquet
Lampaul-Plouarzel
L’Aber Vrac’h, Paluden
Plouescat
Diben
Côtes d’Armor.
Plougrescant
Ile et Vilaine.
Quelmer
Site de l’Ile de Boede, Golfe du Morbihan.
Dans ce petit échantillon, on remarque la prolifération de superbes colonies de lichens crustacés, dont la coloration est parfois modifiée par les restes de peinture. La toxicité des peintures anti-fouling s’est révélée insuffisante pour empêcher le développement des lichens. A noter la présence à la surface du bois nu de fibres de bois. L’érosion éolienne alliée au sable des plages a sculpté les bordés.
Site de l’Anse du Guip, Ile aux Moines, Golfe du Morbihan.
A proximité du chantier naval du Guip, au fond de l’Anse du même nom, un discret cimetière de bateaux accueille quelques épaves en mauvais état de conservation dont les bordés ne sont pas dénués d’intérêt. Sur ce site, les effets de peintures écaillées sont rois et les lichens occupent la portion congrue.
Site de l’Ile Berder, Golfe du Morbihan
Ce site comporte en tout et pour tout deux modestes coques squelettiques. Sans beaucoup d’intérêt, l’examen des restes de bordés livre un aperçu des pratiques en usage sur les peintures marines à une époque où leur toxicité n’était pas une source de préoccupation majeure. Sur l’une des photos on peut compter jusqu’à sept couches superposées, créant ainsi un feuilleté d’écailles multicolore.
Sites du Bono, rivière d’Auray.
Il existe en fait deux sites. Le principal sur la rive droite se situe bien à l’abri dans une petite anse légèrement en amont du pont de la 4 voies qui passe à côté du Bono. Sur ce site, plusieurs épaves de bois se tiennent compagnie. Le second site en amont abritait une épave aujourd’hui disparue dont l’intérêt relatif était d’être en aluminium et peinte en bleu. En bref, une horreur. Et pourtant sur les surfaces exposées au soleil des colonies de lichens non identifiées ont trouvé un habitat singulier pour proliférer. Sans beaucoup de compétiteurs, il faut le souligner. Ce sont ces colonies, avec des extensions de croissance rayonnantes qui dessinent des micro-paysages hallucinants évoquant des iles mystérieuses.
Site de Magouer, Morbihan.
Ce site est situé sur la rive droite de la rivière d’Etel à proximité de l’embouchure. Les bordés du côté sud sont soumis à l’érosion éolienne et à l’abrasion du sable de la plage, d’où les surfaces sculptées du bois et les magnifiques mosaïques d’écailles de peinture. Les lichens au contraire sont situés à l’abri sur les faces nord. On notera la présence de colonies blanches d’Ochrolechia palescens.
Site du Gâvres, Morbihan.
Le site est modeste et se situe sur le cordon littoral du Gâvres, côté lagune. Les épaves ont peu d’intérêt, mais comme à chaque fois que l’on approche et que l’on regarde les détails sur les surfaces, des micro-paysages à nul autres pareils se découvrent. Ici les poutres de ferraille en ruine attaquées par l’eau de mer ont une belle couleur rouille. Et plus étonnant, sur certaines de ces pièces des colonies de lichens prolifèrent. Sur l’une, ce n’est pas moins de quatre colonies concentriques qui assurent le décor.
Site de Benodet, Finistère.
Ce site se limite à quelques épaves en mauvais état à proximité du port de plaisance de Benodet, dans l’Anse de Penfoul. Sauf exception, les bois des bordés sont caractérisés par un aspect de maçonnerie miniature, rehaussé par les traces de peinture. Les lichens sont restreints à des poutres et, sur l’un des bordés, à ce qui ressemble à des colonies mortes de Trentepolhia sp.
Site du Conquet, Finistère.
Il peut paraître étonnant sur le sujet qui nous concerne en remontant les côtes bretonnes, de passer directement de Benodet au Conquet, et de ne pas s’arrêter sur d’autres sites réputés pour leurs vieilles coques de bois tels que Douarnenez, l’Anse de Landévennec, Camaret, Le Fret et Rostellec. Ces sites sont largement documentés pour leurs ensembles d’épaves et très photographiés. Par contre, leurs bordés, à l’exception relative du Fret, sont peu intéressants lorsqu’il s’agit de trouver des micro-paysages originaux. Le site du cimetière marin de Landévennec est particulier car il accueille des épaves bien plus grandes d’unités déclassées de la Marine Nationale. Les parois métalliques peintes soumises à l’érosion marine et éolienne présentent des graphismes très originaux mais qui ne trouvent pas leur place dans une série de scènes consacrées aux épaves de bois.
Ceci explique que l’on passe à une épave située dans l’Aber du Conquet à proximité de la digue de l’étang à marée. Cette épave, facilement accessible, présente la particularité d’offrir un habitat favorable à des champignons (ou des lichens?) dont les organes reproducteurs paraissent directement sortir du bois (périthèces et lirelles). Par ailleurs, d’autres colonies de lichens crustacés forment de magnifiques tapis très denses.
Site de Milin an Aod, Abert Ildut, Lampaul-Plouarzel, Finistère.
Ce site est relativement insignifiant, si l’on s’en tient au strict aspect des épaves de bateaux de pêche en bois. On y trouve tout au plus une épave en bon état sur la rive est de l’Anse de Milin an Aod, quelques reliques envasées rive ouest ainsi qu’une carcasse enfoncée dans le talus. Et un petit canot sous les branchages sur cette même rive. Ee de manière surprenante, sur ce petit échantillon, une grande diversité de scènes miniatures a émergé, dont le curieux spectacle de périthèces noirs trouant la peinture bleue d’une coque et laissant lors de leur disparition des cratères en miniature.
Site de l’Abert Ildut, Finistère.
Sur le bras principal de l’ Aber Ildut, dans une anse rive gauche se trouve une petite épave discrète cachée au milieu des roseaux. L’état de dégradation des peintures de bordés a produit des scènes originales et sans doute très transitoires. Cette épave se devine en longeant le chemin côtier sur la rive droite de l’Aber Benoit entre Vern Bihan et Lanildut.
Site du Moulin de l’Enfer, Paluden, Aber Wrac’h, Finistère.
Ce site est caché dans un talweg étroit sur la rive gauche de l’Aber Wrac’h. Il se trouve à proximité immédiate du chantier naval (Atelier de Chantier d’Insertion de la Fondation AJD). C’est ici que le Père Jaouen, grâce au travail de restauration de vieilles coques de bois, œuvrait à la réinsertion de jeunes en difficulté.
Sur ce site, très abrité et soumis à une humidité atmosphérique relativement élevée, on pourrait s’attendre à des bordés largement colonisés par des lichens. Il n’en est rien et ici les effets de peinture liés à l’érosion sont dominants.
Site de Plouescat.
Il ne s’agit pas ici d’un cimetière d’épaves, mais simplement d’une coque en relatif bon état mise à l’échouage sur une dune de Plouescat (coordonnées GPS non fournies. Pour les curieux, c’est l’occasion d’une belle balade sur le littoral).
L’évolution des peintures et la colonisation par les lichens y sont originales.
Site de l’Anse du Diben, Finistère.
En provenance de Paluden, avant de franchir la ville de Morlaix et d’aller au Diben, une visite su site de Lokénolé peut être intéressante si l’on s’intéresse aux lichens. Sinon, poursuivre vers le Diben où se trouve un site remarquable avec trois superbes épaves (La Marie-Françoise, palangrier; l’Etreom, chalut et palangre; Kalinka, palangrier) échouées sur la pelouse maritime du fond de l’anse en 1996 et considérées comme faisant partie du patrimoine.
Les bordés comportent majoritairement des planches de chêne, recouvertes de multiples couches de peinture plus ou moins dégradées. Mais des pièces métalliques viennent rehausser les couleurs de l’ensemble avec leur rouille. Les lichens sont abondants mais peu documentés dans cette galerie, à lexception d’une colonie de Xanthoria parietina de couleur étrange sur fond turquoise.
Site de Beg ar Vilin, Plougrescant, Côtes d’Armor.
Il s’agit du dernier cimetière de bateaux du département si l’on exclut les deux vieilles coques qui séjournent dans le port de Paimpol. La plupart des épaves, abandonnées ici depuis longtemps, sont réduites à l’état de carcasses, l’essentiel des bordés ayant disparu et laissant nues les membrures. L’une reste cependant en relatif bon état et ce sont à ses bordés que sont consacrées les photos suivantes. La couleur jaune omniprésente sature l’espace quand on les appréhende en macrophotographie. Le chaos semble régner en maître sans toutefois dissuader le lichen Xanthoria parietina, Mais il s’agit d’un chaos monotone.
Site de Quelmer, Saint Jouan des Guérets, 35.
Ce site se trouve à côté d’un chantier en activité sur la plage de l’Anse de Quelmer. Il comprend un grand nombre d’unités en bois et quelques coques métalliques très dégradées. Ce cimetière est l’un des plus importants et des plus variés. Cela se vérifie aussi sur les micro-paysages des bordés et sur les lichens.
Ceci explique le nombre élevé de photos dédiées à ce site. A noter que les lichens mériteraient à eux seuls une étude exhaustive.